Conseils pratiques

Faut-il changer d’alimentation après le traitement ?

Cette question peut se subdiviser en deux. Faut-il changer d’alimentation pour ne pas développer un autre cancer ? Et quelles sont les conséquences des traitements sur l’alimentation et, en particulier sur le transit ?

Nous savons que les facteurs alimentaires interviennent à l’origine du cancer colorectal. Cependant, il faut un temps considérable pour qu’un tel cancer se développe et comme le patient est soumis régulièrement à une surveillance de son intestin opéré, le risque qu’un second cancer colorectal apparaisse est faible. Par contre, informer pour modifier les habitudes alimentaires de la population et ainsi diminuer le risque de cancer colorectal est un devoir de santé publique. Si l’intervention chirurgicale modifie peu la longueur de l’intestin, ses conséquences digestives sont quasi nulles. Le patient opéré peut avoir peut-être les mêmes soucis de transit qu’avant, en particulier si son côlon était paresseux.

A l’opposé, si le chirurgien a été contraint d’enlever une grande partie du côlon, le transit est accéléré et la capacité de concentration des matières fécales diminuée (les selles sont liquides). La situation est plus difficile encore en cas de cancer du bas rectum, avec un traitement local associant chirurgie et radiothérapie. Un régime afin d’éviter les diarrhées peut être nécessaire.

Une diarrhée invalidante peut être aussi rencontrée après exérèse du coecum et de la partie droite du côlon en raison d’une nonréabsorption des sels biliaires qui agissent alors comme un laxatif puissant ; il peut être nécessaire dans ce cas de voir avec un gastroentérologue comment contrôler au mieux cette diarrhée.

Enfin, si la chimiothérapie perturbe le transit (des cas de diarrhées graves sont possibles) pendant la période d’administration des médicaments, elle ne laisse cependant pas de séquelles digestives sur le long terme. La radiothérapie peut aussi perturber le transit avec un faible risque de séquelle.

Comment vivre au mieux pendant les traitements ?

Vivre au mieux pendant les traitements concerne à la fois le corps et l’esprit. Il faut parvenir à accepter cette situation et à la vivre le mieux possible même si, au départ, cette possibilité paraît improbable. Le patient a appris qu’il était vulnérable et il lui faut se reconstruire avec cette nouvelle donnée. L’équipe soignante est là pour le soutenir et répondre à toutes les questions qui lui paraissent nécessaires et dont les réponses lui paraissent indispensables.

En cas de fatigue, il ne faut pas demander à son corps ce qu’il ne peut pas faire. Le repos est davantage nécessaire, renoncer momentanément aux activités les plus fatigantes est sage, bref il ne faut pas aller systématiquement au-delà du raisonnable. Il faut parfois arrêter de travailler, si nécessaire. Tout est bon pour atténuer les effets secondaires. Il est recommandé d’éviter les aliments qui perturbent le transit. Il est bon aussi de rechercher d’autres saveurs si le goût a beaucoup changé.

Il est aussi souhaitable de se faire aider matériellement pour les courses, le ménage, le courrier. Si personne de l’entourage n’est disponible, l’assistante sociale du service qui s’occupe du patient ou l’assistante sociale de la commune peut l’aider. Surtout il ne faut pas se ruiner en médecine parallèle sans en avoir d’abord parlé à l’équipe soignante et au médecin traitant. Des personnes de confiance peuvent parfois aider parce qu’elles savent écouter et ont une attitude positive. En particulier, les psychologues, appelés psycho-oncologues, sont habitués à aider chaque patient atteint de cancer.

C’est aussi le but des consultations d’annonce (mesure 41 du plan cancer) qui, à coté de l’exposé du diagnostic, des possibilités thérapeutiques et des traitements proposés en réunion de concertation pluridisciplinaires (RCP), ont pour intérêt de présenter au patient les différents soins de support dont il peut avoir besoin au cours de ses traitements et de sa maladie ; en particulier les rôles respectifs de l’infirmière, des assistantes sociales, des diététiciennes, des psycho-oncologues, des kinésithérapeutes, des spécialistes de la douleurs et des soins de support…

Qu’en est-il des médecines parallèles ?

Beaucoup de patients, sur les conseils de proches ou par crainte des effets secondaires se tournent vers les médecines parallèles, en particulier les plantes et les régimes. Les livres et les pages internet sont innombrables.

Le point commun de la plupart de ces traitements dits alternatifs est qu’ils n’ont pas démontré de façon scientifique leur efficacité. Ils ne sont pas forcément inoffensifs non plus et les effets secondaires ne sont pas signalés avec la même rigueur que pour les médicaments. De plus, il existe parfois des antagonismes (interactions) avec les traitements prouvés contre le cancer comme les chimiothérapies.

Avant de consommer ces produits, pour éviter d’éventuelles interactions avec les traitements, il faut se renseigner auprès du médecin ou consulter des données fiables. L’ouvrage de référence, provenant du Memorial Sloan Kettering de New York existe en livre, est accessible sur internet (https://www.mskcc.org/cancercare/diagnosis-treatment/symptom-management/integrativemedicine/herbs). Il n’est cependant disponible qu’en anglais.

Est-ce normal de se sentir déprimé(e) et comment y faire face ?

Il est fréquent qu’un patient se sente déprimé quand il est confronté à une maladie grave comme le cancer. Le sentiment de vulnérabilité est particulièrement aigu dans 3 circonstances :

  • au début de la maladie, lorsque le patient apprend la mauvaise nouvelle ;
  • vers le milieu du traitement car la fatigue n’est parfois pas bien tolérée et peut donner l’impression que le traitement est sans fin. L’envie de tout arrêter peut survenir ;
  • et paradoxalement, à la fin du traitement. Ceci s’explique par la rupture avec une situation au cours de laquelle le patient a fait beaucoup d’efforts et a été très soutenu. Il a surmonté les difficultés inhérentes à une chimiothérapie, qui est un traitement parfois difficile à supporter, a noué des liens de sympathie et de confiance avec l’équipe médicale qui l’a suivi et rassuré tout au long du traitement et il a reçu l’aide de parents et d’amis qui se sont beaucoup investis avec lui et pour lui. Une fois le traitement terminé, tout cela s’arrête. Il lui faut reprendre sa vie en main, reprendre le travail ou retrouver les occupations habituelles.

Si le patient rechute, il est de nouveau, et parfois plus intensément, confronté aux mêmes situations, avec en plus, une grande incertitude sur l’avenir.

À qui parler de ses problèmes ?

La première condition est de reconnaître la situation dans laquelle on est. Si celle-ci correspond aux circonstances évoquées précédemment, il y a beaucoup de chances pour qu’elle soit passagère. Dans le cas contraire, il est nécessaire de faire l’effort d’identifier ce qui manque et tracasse et d’en parler avec une personne de confiance de l’entourage ou de l’équipe médicale. Médecins, infirmières, psychologues, psycho-oncologues, psychiatres, assistantes sociales, secrétaires médicales sont là pour aider sans oublier le médecin traitant qui connait bien son patient. Si la situation difficile se prolonge, malgré tout, il est possible d’ajouter à toutes ces aides des thérapies relaxantes et un traitement antidépresseur.

Comment annoncer son cancer à ses proches ?

Le cancer fait peur et inquiète. Certaines personnes de l’entourage ont du mal à vivre cette inquiétude, d’autres, au contraire, sont capables d’aider et de soutenir leur proche atteint par la maladie.

Pour toutes ces personnes, le conseil est le même : il faut vivre dans la réalité. Ce qui suppose d’être bien informé. Savoir peut faire mal et s’il n’est pas obligatoire de tout savoir tout de suite, il est en revanche nécessaire d’avoir une réponse à la question qui préoccupe. La réponse peut faire mal. Mais rien n’est plus difficile que de rester dans l’angoisse par ignorance.

Si le patient doute de savoir expliquer lui-même ce qui lui arrive, qu’il n’hésite pas à se faire accompagner lors des consultations médicales pour chercher l’information. Il peut aussi demander de l’aide à un(e) psychologue qui l’aidera à trouver les bons mots et les bonnes explications en particulier pour expliquer sa maladie à ses enfants et à ses proches. Cette question est souvent abordée en consultation d’annonce.

Un patient doit-il tenir son employeur informé de sa maladie ?

Un patient doit déclarer un arrêt maladie à son employeur. Cet arrêt peut être prolongé, soit parce qu’il ne souhaite pas travailler pendant son traitement, soit parce que ce dernier est éprouvant. L’information peut être utile à l’employeur pour réorganiser le travail dans l’entreprise.

En revanche, rien n’oblige à préciser la nature de la maladie. Le secret médical est opposable à une demande de tout employeur. Cependant, il ne faut pas être naïf et se méfier des indices comme la nature de l’établissement où l’on est soigné ou la spécialité du médecin qui signe l’arrêt maladie.

Le secret médical est également opposable aux assurances privées comme à celles contractées pour un prêt.

Le cancer colorectal est-il pris en charge par la Sécurité Sociale ?

Le cancer fait partie des maladies graves prises en charge à 100 %. Il est considéré comme une affection de longue durée ou ALD. Cette prise en charge à 100 % couvre les frais des consultations, des examens de diagnostic et de suivi, des hospitalisations, des traitements (chimiothérapie, radiothérapie, médicaments associés), ainsi que les frais de soins infirmiers, de kinésithérapie, etc.

La demande de prise en charge à 100 % doit être effectuée sur un formulaire spécial dès que le diagnostic est posé par le médecin généraliste référent. Lui seul peut désormais le faire, le chirurgien ou le cancérologue n’y étant plus autorisés sauf en cas d’absence de médecin traitant. La prise en charge est rétroactive au jour du diagnostic. Cependant, cette prise en charge ne couvre pas les exigences particulières sollicitées par le patient lorsqu’elles ne sont habituellement pas remboursées (ex : la demande d’une chambre particulière). Les mutuelles apportent une couverture complémentaire qui dépend du contrat. Si le patient souhaite être traité loin de son domicile parce qu’il pense être mieux soigné ou parce qu’il est mieux aidé par son entourage, l’assurance-maladie peut limiter les remboursements sur la base des déplacements qui auraient été effectués s’il était traité dans le centre le plus proche de son domicile.

Cependant, si un traitement ne peut être effectué à proximité du domicile du patient (par exemple parce qu’il n’est pas disponible dans le centre de proximité) ou s’il doit être réalisé dans certaines conditions particulières (protocoles de recherche expérimentaux), la prise en charge dans un centre plus éloigné du domicile est alors complète mais nécessite en général l’accord préalable de la caisse d’assurance-maladie. Si le patient doit être hospitalisé en urgence dans un autre hôpital que celui où il est suivi, la prise en charge est dans ce cas systématiquement complète.

Convention AERAS : comment bénéficier du droit à l’oubli suite à un cancer ?

Le droit à l’oubli permet désormais à des milliers de personnes ayant souffert d’un cancer d’accéder à un emprunt immobilier aux mêmes conditions que les autres citoyens.

En effet, le décret du 13 février 2017 précise les nouvelles modalités du droit à l’oubli et offre aux personnes ayant été atteintes d’un cancer de contracter un emprunt, notamment immobilier, sans avoir à déclarer leur « ancienne » maladie dans le questionnaire de santé.

Le droit à l’oubli permet ainsi d’éviter une majoration du tarif de leur assurance-prêt ou écarte le risque d’exclusions de garanties. Il a été à nouveau réduit en février 2022 et porté à 5 ans, quel que soit l’âge auquel le cancer a été diagnostiqué.

La convention « AERAS » pour « s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé » précise cependant les conditions d’application du droit à l’oubli et livre en particulier une grille de références régulièrement mise à jour selon les progrès thérapeutiques réalisés. Enfin, la loi Sapin II permet également de résilier annuellement son assurance-prêt à chaque échéance annuelle à partir du 1er janvier 2018.

Cette nouvelle législation offre aux personnes ayant souffert d’un cancer la possibilité de renégocier leur assurance-prêt en bénéficiant également du droit à l’oubli.

Auteurs

Pr Yann Parc
Chirurgien spécialisé en chirurgie générale et digestive, chef du service de Chirurgie Générale et Digestive à l'hôpital Saint-Antoine depuis 2015. De nombreuses distinctions académiques. Mène des recherches sur le cancer colorectal. Auteur de plus de 230 publications scientifiques.
Pr Yann Parc
Chirurgien spécialisé en chirurgie générale et digestive, chef du service de Chirurgie Générale et Digestive à l'hôpital Saint-Antoine depuis 2015. De nombreuses distinctions académiques. Mène des recherches sur le cancer colorectal. Auteur de plus de 230 publications scientifiques.
Pr Thierry André
Spécialiste en oncologie médicale et chef du service d'oncologie médicale à l'hôpital Saint-Antoine. Reconnu pour son expertise dans les cancers digestifs et de l'ovaire. Président de la Fondation ARCAD. Mène des recherches sur les cancers digestifs.


Pr Thierry André
Spécialiste en oncologie médicale et chef du service d'oncologie médicale à l'hôpital Saint-Antoine. Reconnu pour son expertise dans les cancers digestifs et de l'ovaire. Président de la Fondation ARCAD. Mène des recherches sur les cancers digestifs.


Pr Florence Huguet
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Oncologie Radiothérapie (Sorbonne Université). Exerce à l’hôpital Tenon (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris). Chef de service d’Oncologie Radiothérapie. Se concentre sur les cancers digestifs et ORL.
Pr Florence Huguet
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Oncologie Radiothérapie (Sorbonne Université). Exerce à l’hôpital Tenon (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris). Chef de service d’Oncologie Radiothérapie. Se concentre sur les cancers digestifs et ORL.
Pr Julien Taieb
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Hépato-Gastro-Entérologie (Université Paris V) ; spécialisé dans la prise en charge des cancers digestifs, chef du service d’oncologie digestive de l’hôpital Européen Georges Pompidou (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris).
Pr Julien Taieb
Professeur des universités-praticien hospitalier d’Hépato-Gastro-Entérologie (Université Paris V) ; spécialisé dans la prise en charge des cancers digestifs, chef du service d’oncologie digestive de l’hôpital Européen Georges Pompidou (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris).

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